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Système de vidéo-surveillance : attention à l’information préalable des salariés !

Cass. Soc., 6 décembre 2023, n°22-16.455

Un employeur, victime d’un vol de gasoil, fait installer un système de vidéosurveillance dans un entrepôt, afin d’identifier l’auteur de ces faits.

Un salarié, identifié grâce au système de vidéosurveillance, est licencié pour faute grave.

Le salarié conteste son licenciement, faisant principalement valoir que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, ce n’est qu’à condition qu’il en informe préalablement le personnel de l’entreprise ainsi que le CSE (article L.1222-4 du Code du travail).

Or, en l’espèce, l’employeur n’ayant pas procédé à une telle information préalable, la preuve tirée de ces enregistrements est illicite.

Pour sa défense, l’employeur fait valoir qu’il n’était nullement tenu d’informer les salariés préalablement à la mise en place de ce système de vidéosurveillance, dès lors que :

  • N’était en cause qu’un simple entrepôt contenant des cuves de gasoil, des véhicules et des rangements, lequel ne comprenait aucun poste de travail déterminé ;
  • L’orientation des caméras n’avait pas d’autre objet que de filmer la zone de l’entrepôt permettant l’accès aux cuves de gasoil et non pas l’intérieur de l’entrepôt ;
  • L’installation du système de vidéosurveillance avait pour seul objet d’identifier les auteurs du vol de gasoil et n’était nullement destiné à contrôler l’activité des salariés dans l’exercice de leurs fonctions.

L’employeur rappelle qu’en tout état de cause, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le droit à la preuve justifiant la production d’éléments portant atteinte à la vie privée dès lors que cette production est indispensable à l’exercice de ce droit. Il estime qu’en l’espèce, ces enregistrements étaient les seuls éléments permettant d’établir la réalité des vols commis par le salarié et étaient donc indispensables à l’exercice du droit à la preuve.

La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, déboute l’employeur de ses demandes au motif que la vidéosurveillance, installée certes dans un but d’identification des auteurs du vol, permettait également de visualiser l’activité des salariés sur leur lieu de travail, ce dont il résulte qu’il s’agissait bien d’un dispositif de contrôle de l’activité des salariés, dont ils auraient dû être informés préalablement à sa mise en place.

La Cour en déduit que le moyen de preuve tiré de ces enregistrements a été obtenu de manière illicite, faute d’information préalable, et est, dès lors, irrecevable.

Ces enregistrements étant la seule preuve de la matérialité des faits reprochés au salarié, son licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle, à toutes fins utiles, qu’une preuve illicite n’est pas systématiquement déclarée irrecevable. En effet, le juge doit apprécier si l’utilisation de cette preuve porte atteinte au caractère équitable dans la procédure dans son ensemble en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du salarié et le droit à la preuve.

Il appartient toutefois à la partie qui produit une preuve illicite de soutenir et de démontrer que son irrecevabilité porterait atteinte au caractère équitable de la procédure.

Estimant, en l’espèce, que l’employeur n’avait pas effectué une telle demande, la question de la recevabilité de la preuve illicite n’a même pas été examinée par les juges.

Cette décision peut apparaître contradictoire avec un arrêt récemment rendu par la Cour de cassation au sujet de l’utilisation par l’employeur de preuves obtenues par un système de vidéosurveillance pour justifier le licenciement d’un salarié accusé de voyeurisme dans les toilettes des femmes. En l’espèce, la Cour de cassation avait admis la recevabilité des preuves obtenues par un dispositif de vidéosurveillance qui n’avait pas été porté préalablement à la connaissance du salarié, estimant que ce système avait été installé dans un but de sécurisation d’une zone de stockage non ouverte au public et du couloir y donnant accès, et non dans un but de contrôle de l’activité des salariés, peu important que l’orientation des caméras permette également de visualiser l’entrée des toilettes donnant sur ce couloir (Cass. Soc., 22 septembre 2021, n°20-10.843).

Etrangement, la Haute Cour avait été sensible, dans cet arrêt, à la finalité réelle du dispositif de vidéosurveillance mis en place par l’employeur, argument qui a, en revanche, été écarté d’office par les magistrats dans l’arrêt du 6 décembre 2023.

Les divergences de solutions de la Haute Juridiction appellent donc à la plus grand prudence quant à la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance.

Ainsi, si les arrêts rendus par l’Assemblée Plénière le 22 décembre dernier laissent présager une plus grande souplesse quant à la recevabilité d’une preuve obtenue de manière illicite voire déloyale, la solution la plus pertinente demeure, en pratique, d’informer les salariés de la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance, même si ce dernier n’a pas pour objectif premier de contrôler leur activité.